Faire reculer la malnutrition au Burkina Faso
Chaque année, le 16 octobre est consacré comme la Journée Mondiale de l’Alimentation (JMA), qui célèbre la date de création de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 1945. Cet évènement a été instauré afin de mieux faire prendre conscience au public de la nature du problème de la faim dans le monde. C’est également cet objectif que s’est assigné le Réseau de la Société Civile pour la Nutrition (RESONUT), pour un Burkina Faso exempt de faim et de malnutrition.
La célébration de la journée mondiale de l’alimentation est l’occasion annuelle de rappeler à quel point la faim constitue un frein au développement dans plusieurs pays du monde. Cette année encore, les chiffres sont alarmants. Le dernier rapport de l’Etat de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition dans le monde a été récemment publié par la FAO. Ce rapport, produit conjointement par la FAO, le FIDA, l’UNICEF, le PAM et l’OMS nous informe chaque année de l’évolution des courbes de la faim et de la malnutrition. Les données contenues dans ce rapport ne sont guère rassurantes. En Effet, en 2017, 821 millions de personnes ont souffert de sous-alimentation[1], soit une personne sur neuf. L’heure est grave ! C’est pourquoi, la FAO a retenu « la Faim Zéro en 2030 c’est possible » comme thème pour cette édition. Ce thème invite les pays concernés à entreprendre des mesures pérennes dans les domaines de l’environnement, de la résilience et le changement climatique, principales causes de cette situation.
Qu’en est-il de la situation au Burkina Faso ?
La nutrition est très sensible aux changements climatiques et paie un lourd tribut : diminution de la qualité des nutriments et de la diversité des aliments produits et consommés ; effets sur l’eau et l’assainissement ; profils de risque sanitaire et de maladies ; répercussions sur les soins aux mères et aux enfants et sur l’allaitement au sein[2].
Le Burkina Faso vit de plein fouet les effets liés aux changements climatiques avec des conséquences sur la sécurité alimentaire et la nutrition du pays. C’est fort de ce constat que le ministre de l’Agriculture et des aménagements hydrauliques, Jacob Ouédraogo, a tenu une conférence de presse le 7 mai 2018 au cour de laquelle il a annoncé le Plan de réponse et de soutien aux personnes vulnérables à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition, qui a été adopté le 7 mars 2018. Ce plan a été élaboré sur la base des résultats définitifs de la campagne agricole 2017 – 2018 qui présageait déjà une mauvaise campagne agricole 2017-2018[3].
Si ce présage se confirme, l’une des conséquences directes serait une crise alimentaire qui affectera la situation nutritionnelle du Burkina Faso malgré tous les efforts faits jusque-là. Comme le décrit le rapport de l’enquête SMART 2017, « la situation nutritionnelle est caractérisée par des prévalences de la malnutrition toujours préoccupante. En effet, les prévalences de la malnutrition aiguë, de la malnutrition chronique et de l’insuffisance pondérale sont respectivement de 7,6 %, 27,3 % et 19,2 %. Ces prévalences sont à la baisse depuis 2009. La prévalence de la malnutrition aiguë est passée de 11,3% en 2009 à 7,6% en 2016 ; celle de la malnutrition chronique est passée de 35,1% en 2009 à 27,3 % en 2016. Quant à l’insuffisance pondérale, sa prévalence est passée de 26% en 2009 à 19,2% en 2016[4] ».
Le RESONUT et ses partenaires renforcent le plaidoyer en faveur de la nutrition.
Pour ce faire, des acteurs comme le RESONUT poursuivent le combat afin qu’une plus grande importance soit accordée à la nutrition et ses secteurs connexes[5]. C’est ainsi qu’en 2017, grâce à plusieurs années de plaidoyer, le Burkina Faso a dédié d’un milliard de F CFA au profit de la nutrition pour l’achat d’intrants nutritionnels, à travers le budget du ministère de la santé. En 2018, cette enveloppe dédiée à la nutrition a connu une hausse d’un demi-milliard de F CFA. Si le RESONUT félicite le gouvernement pour tous les efforts entrepris, force est des reconnaître que beaucoup reste à faire. C’est pourquoi, il a décidé de renforcer son plaidoyer sur les axes suivants, pour les trois prochaines années :
- Meilleur ancrage de la nutrition au Burkina Faso ;
- Suivi pour l’accroissement de la ligne budgétaire nutrition dans le budget du ministère de la santé ;
- Création et dotation de lignes budgétaires nutrition au niveau des ministères contributeurs à la nutrition ;
- Financement domestique / endogènes + financements innovants de la nutrition ;
- Respect du code BMS (commercialisation des substituts au lait maternel) ;
- Renforcement de la collaboration avec les autres acteurs de la nutrition au plan national et sous régional ;
- Campagnes multimédias de plaidoyer avec les Champions Nutrition du RESONUT, pour le renforcement de la nutrition au Burkina Faso.
D’ores et déjà, nous saluons le gouvernement et ses partenaires techniques et financiers qui sont à pied d’œuvre depuis des années pour le renforcement de la nutrition. Plus que jamais, il est important d’apporter une réponse multisectorielle à la problématique de la malnutrition au Burkina Faso. Cela passe par la recherche de nouveaux partenaires avec des financements innovants. Le RESONUT salue l’implication personnelle de SEM le Président du Faso, Roch Marc Christian KABORE dans cette lutte. En effet, il a lancé dernièrement un appel pour la mobilisation mondiale des fonds en faveur des femmes et enfants du Sahel (« N’oublions pas les enfants et les femmes du Sahel »). Cette tribune qu’il a signée, il la défendra à Oslo, en Norvège le 6 Novembre 2018 à la faveur de la conférence mondiale sur le mécanisme de financement mondial (GFF) dont bénéficie le Burkina Faso. Le GFF est un nouveau dispositif de financement qui contribue à mettre fin aux décès maternels et infantiles évitables et à améliorer la qualité de vie et la santé des femmes, des enfants, des adolescents et de la nutrition. Il est un moyen important à travers lequel les bailleurs de fonds soutiennent la santé de la reproduction de la Mère, du Nouveau-Né, de l’Enfant, de l’Adolescent et de la Nutrition (SRMNEA-N).
Le Burkina Faso va bénéficier certes du financement du GFF, mais celui-ci devrait par conséquent faire preuve de mobilisation de plan de ressources financières propres en faveur de la nutrition. Car nous ne cesserons jamais de le dire, la nutrition est un domaine de souveraineté pour chaque nation.
LE RESONUT
[1] L’Etat de la Sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, FAO, 2018
[2] Idem
[3] In Le Pays du 8 mai 2018
[4] Rapport SMART 2017
[5] Agriculture, Environnement, Eau hygiène assainissement, ressources animales, protection sociale