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La présente étude constitue une opportunité pour appréhender et analyser les efforts entrepris par l’Etat en matière de nutrition. Elle fait donc le point des engagements politiques, juridiques et économiques du Burkina Faso et essaie d’apprécier leur niveau de mise en oeuvre.
Question transversale avec des données peu capitalisées, on pouvait s’attendre à des difficultés pour rassembler les données pertinentes et procéder à une analyse convenable. Outre cette difficulté, la disponibilité des personnes ressources dans cette période de vacances dans la plupart des organisations internationales et non gouvernementales, rendait la tâche plus lourde. Malgré ces difficultés, les données collectées permettent de relever que le Burkina Faso fonde ses engagements sur ceux pris aux niveaux international et régional à travers les diverses conférences ainsi que les résolutions des Nations Unies.
Concernant les engagements financiers, les déclarations d’Abuja et FANUS qui invitent les Etats à accorder respectivement 15% des budgets nationaux à la santé et 3% de leurs budgets sectoriels à la nutrition, constituent les principales orientations. Le Burkina ayant pris part aux conférences ayant adopté lesdites déclarations, celles-ci lui sont applicables.
Il convient de souligner aussi les engagements importants issus de la Stratégie Régionale Africaine de Nutrition (ARNS), du Pacte mondial en faveur de la nutrition pour la croissance (N4G) et des conclusions de la conférence ICN2 (International Conférence for Nutrition).

Au regard des recommandations régionales et internationales, le Burkina Faso a, au niveau national, pris des engagements portant sur la révision de la politique Nationale de Nutrition intégrant les objectifs internationaux, régionaux et l’approche multisectorielle. Le pays a également pris l’engagement d’élaborer un plan national de nutrition (2016-2020) avant la fin de 2016, y compris les engagements de ressources financières et humaines pour soutenir les interventions sensibles à la nutrition. Signalons que ledit référentiel est déjà adopté et des actions sont en cours de mise en oeuvre.

Notons aussi que l’un des engagements consistait à finaliser la création d’un système de surveillance multisectorielle avant la fin 2015. Ce cadre est aussi sur le point de voir le jour avec la création du CNN dont les actions de sa mise en route sont aussi en cours.
Enfin, notre pays s’est engagé à impliquer les organisations de la société civile, du secteur privé, du secteur académique et de la recherche, ainsi que les partenaires comme parties prenantes clés de la nutrition. Il ne s’agit pas d’un engagement nouveau mais d’un renouvellement de sa position sur la question. En effet, avec son adhésion au mouvement SUN, la création et la perspective de mise en place de réseaux multisectoriels et multi-acteurs, cet engagement trouvera sa concrétisation.
Au regard des engagements pris par l’Etat, quels sont les progrès déjà réalisés ?
Au niveau des actions et progrès réalisés, les données de l’étude SMART 2015 révèlent qu’en 2015, la prévalence de la malnutrition aiguë au niveau national était de 10,4% dont 2,2% de la forme 5 sévère. Les prévalences de la malnutrition chronique et de l’insuffisance pondérale étaient respectivement de 30,2% et de 23,0%. Il faut noter aussi que, 1,0% des enfants ont un surpoids dont 0,2% d’obésité, 86,1 % des enfants de 6 à 59 mois ont été supplémentés en vitamine A et 82,6% des enfants de 12 à 59 mois ont été déparasités.
Il apparaît donc que la situation nutritionnelle s’est dégradée avec une hausse des prévalences quel que soit l’indice considéré. Selon les résultats de l’enquête SMART 2015 ces prévalences sont comparables à celles de 2012, l’année de la crise alimentaire au Sahel sauf pour le retard de croissance qui est comparable à la période de soudure de 2013. Les causes de cette dégradation de la situation nutritionnelle pourraient être liées à la dégradation du taux de l’allaitement maternel exclusif chez les enfants de moins de 5 mois et des pratiques d’alimentation minimum acceptable chez les enfants de 6-23 mois non allaités dans l’ensemble du pays qui sont passés respectivement de (50,1% à 46,7) et (36,9% à 8,5%).
L’un des axes des interventions a concerné l’augmentation de l’allaitement maternel et des micronutriments. La promotion de l’allaitement maternel optimal dont la cible de 60% a été fixée dans les documents stratégiques élaborés dont le plan ANJE 2013-2025 et ce, conformément aux engagements pris à Londres en 2013 lors du pacte de la nutrition pour la croissance.
Pour réussir la stratégie, les femmes enceintes et allaitantes sont organisées en groupe d’auto soutien au niveau communautaire. Ainsi, 8 régions sont couvertes avec des niveaux de mise en oeuvre différents. Aussi, un appui a été donné en 2012, pour l’introduction dans l’enquête nationale des indicateurs clés d’ANJE recommandés au niveau international. D’une manière générale on note une légère amélioration des indicateurs ANJE en 2015 à l’exception de l’allaitement exclusif au sein qui est passée de 38,2% en 2012 à 50.1% en 2014, mais a baissé à 46,7% en 2015. En effet la mise au sein précoce est passée de 29,2% à 47,1%, la consommation du colostrum de 84,2% à 90,7% ;
l’introduction des aliments de compléments en temps opportun de 57,4% à 64,7%. Quant à l’alimentation minimum acceptable, elle est passée de 7,2% en 2013 à 13,4 en 2015 (SMART 2015, p48). Aussi, la lutte contre les carences en micronutriments a conduit à l’élaboration d’un guide de mise en oeuvre et la conduite de campagnes de supplémentation en vitamine A et de déparasitage, en grande partie financé par le MS et l’utilisation du sel iodé par 95% des ménages (EDS, 2010).
Dans la même dynamique, le Burkina Faso s’est engagé depuis 2006 dans la fortification des aliments de grandes consommation notamment les huiles végétales en vitamine A et les farines de blé tendre en fer/acide folique. Aussi, le pays s’est engagé dans la stratégie d’iodation universelle du sel ayant abouti en 2013 à l’adoption d’un arrêté interministériel rendant obligatoire l’importation de sel iodé au Burkina.
Au niveau budgétaire, on note que malgré les engagements auxquels le pays a souscrit, il n’existe pas encore de ligne budgétaire consacrée à la nutrition ni au niveau national, ni au niveau sectoriel. En outre, les ressources affectées à la direction de la nutrition sont faibles et portent essentiellement sur la prise en charge de son fonctionnement.
Sur le plan juridique, le Burkina Faso ayant ratifié diverses conventions internationales a aussi adopté des lois, et des textes réglementaires (décrets et arrêtés) d’application. Ainsi, la Constitution, le Code pénal et le Code du travail consacrent des articles qui intéressent la question de la nutrition. Aussi, l’application du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel a été marquée 6 par l’adoption de l’Ordonnance de 1984 devenue loi en 1990 et le décret interministériel réglementant la commercialisation des substituts du lait maternel adopté en 1993. Soulignons aussi la loi n° 010-2006/AN du 31 mars 2006, portant règlementation des semences végétales au Burkina Faso et sur la fortification des aliments, l’arrêté conjoint n°2002- 128/MS/MCPEA/MEM/M/Agri./MATD du 26 avril 2001 portant création, attributions du comité de pilotage des programmes et projets d’enrichissement d’aliments en micronutriments et le décret interministériel n°2012-0232/MICA/MS/MEF/MAH portant enrichissement obligatoire des huiles végétales raffinées en vitamine A et de la farine de blé en fer et en acide folique du 21/09/2012.
Sur la gouvernance du secteur de la nutrition, il est proposé en lieu et place du CNCN, un nouveau cadre appelé Conseil National de Nutrition (CNN). Cet organe dont l’ancrage est encore en débat, sort des cendres du CNCN. Le CNCN a connu des difficultés de fonctionnement dont les principales causes sont la multiplicité des cadres de concertation au sein des différents secteurs et le caractère nominatif des participants ainsi que l’impossibilité de rendre opérationnelles les décisions. Le CNN, à la différence du CNCN coordonne l’exécution du cadre commun des résultats sur la nutrition. A cet effet, il sera chargé de suivre l’exécution des actions identifiées par les différents départements techniques concernés par la nutrition et d’en capitaliser les résultats.
Au regard des défis auxquels le secteur de la nutrition fait face, des recommandations ont été faites. Il s’agit sur le plan politico-institutionnel, de renforcer le plaidoyer pour l’amélioration du dispositif de coordination sur la nutrition et l’intégration de la nutrition dans les différentes politiques sectorielles et locales. Au niveau financier, il convient d’accentuer le plaidoyer à l’endroit de l’Etat pour améliorer l’enveloppe consacrée au secteur. Il devra par ailleurs matérialiser son engagement par l’adoption d’une ligne budgétaire pour la nutrition.
Entre autres actions, la stratégie de plaidoyer et de communication sur la nutrition pourrait prendre en compte les points suivants:
– l’adoption d’une ligne budgétaire consacrée à la nutrition et qui sera dispatchée entre secteurs ;
– le renforcement de la capitalisation des données sur la nutrition à travers le CNN ;
– l’organisation des émissions radiophoniques périodiques;
– la réalisation des débats télévisés en épisodes axés sur des approches multisectorielles de la nutrition ;
– le renforcement de la visibilité des actions liées à la nutrition au Burkina Faso par le financement des publi-reportages ;
– l’intégration de nouveaux modules sur la nutrition dans les programmes de formation du personnel afin de palier à la difficulté de la mobilité du personnel ;
– renforcer la surveillance sur l’enrichissement des produits pour en assurer la qualité ;
– aménagement d’espaces pour l’allaitement des enfants dans les services publics et privés ;
– enfin, le financement de la recherche dans les universités sur la nutrition. Cela passe par la mise en place de bourses de recherches qui récompenseront annuellement les chercheurs pour leurs productions scientifiques ou qui seront destinées aux étudiants de certaines filières qui veulent entreprendre des recherches dans le domaine. Ces bourses n’atteindront efficacement leur objectif que si les travaux sont publiés.

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